jeudi 24 juillet 2014

Deadline à Ouessant




Deadline à Ouessant de Stéphnae Pajot aux éditions L'Atelier Mosésu


   Luc Mandoline, ancien légionnaire, s'est reconverti dans la thanatopraxie, il répare les outrages laissés par la mort sur les corps de ses victimes. Ayant gardé de son ancien métier une tendance à la bougeotte, il n'effectue que des remplacements de collègues partis en vacances. Un jour il est appelé à Ouessant par la mère d'un des ses amis récemment disparu en mer à la barre de son bateau dans des circonstances obscures. Luc décide d'y aller en hommage à son ami bien que se sentant inutile car ne disposant pas de corps à préparer.


   En arrivant à Ouessant, notre embaumeur est témoin d'une prise de bec entre deux vieillards qui se termine par un drame, l'un des deux meurt accidentellement, poussé par le premier. Luc s'installe sur l'île où suite à la mort du vieillard les événements étranges et violents se succèdent ayant tous un rapport avec la deuxième guerre mondiale. Luc intrigué va chercher à comprendre ce qui se passe.


   Deadline à Ouessant est un passionnant roman noir qui nous plonge dans l'histoire, la petite, celle vécue par les ouessantins et la grande celle qui a marqué les esprits à l'échelon national. On y découvre Ouessant ce caillou déposé au milieu de l'Atlantique dont l'horizon est souvent bouché par un brouillard à couper au couteau. On y découvre des personnages hauts en couleurs, aux caractères bien trempés, oserai-je dire imbibés, décrits avec humour et tendresse dans des scènes parfois jubilatoires.


    J'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce roman à découvrir le style de l'auteur, un style incisif et plein d'humour (noir le plus souvent), un style marqué par des phrases courtes, des phrases coup de poing. J'ai beaucoup apprécié aussi les hommages rendu ici et là au glorieux ancien, San Antonio, dans les noms de personnages (Picmuche rappelle Pinuche et le véritable prénom d'Arlock qui va aider Luc du continent, est Alexandre-Benoît comme l'inénarrable Bérurier), et dans l'utilisation de l'argot notamment dans les dialogues. Un roman qu'on ne lâche pas  tant pour l'intrigue que pour le style de l'auteur et son humour . On prend autant de plaisir à lire ce roman que l'auteur semble en avoir pris à l'écrire.


   L'Embaumeur comme Le Poulpe est un personnage qui revient sous la plume de plusieurs auteurs. Ce roman est le premier que je lis de cette série. Il m'a donné envie de découvrir les autres aventures de Luc Mandoline.


lundi 21 juillet 2014

Le voyage de Nina




Le voyage de Nina de Frédérique Deghelt aux éditions Le livre de poche



   Nina a 16 ans. Lorsque ses parents trouvent la mort dans un crash aérien au Brésil, elle est confiée d'autorité à ses grands parents paternels qu'elle ne connaît pas puisque son père avait quitté le domicile familial dès ses dix-huit ans sans jamais reprendre contact. Le père de Nina était pianiste de jazz et sa mère artiste peintre. Nina passait son temps en voyages avec ses parents selon les activités de l'un et de l'autre. A leur décès elle se retrouve par décision de justice sous la férule d'un grand-père ancien militaire et une grand-mère tout aussi rigide. Nina n'a qu'une idée fuguer jusqu'à l'âge de ses dix-huit ans, âge auquel elle pourra décider elle-même de sa vie. Aidée de ses amis de collège, elle met minutieusement sa fuite au point.


 
  La fugue de Nina va lui faire traverser la France direction l'Espagne où elle souhaite retrouver Marsilio un gitan danseur de flamenco ami de ses parents. Elle va se rapprocher de la communauté gitane puis se continuer son voyage à la recherche de ce Marsilio introuvable. Dans ce passionnant roman initiatique, Nina va découvrir une partie de ces racines, sa mère avait des origines gitanes, elle va découvrir au sein de cette communauté des valeurs qui vont la forger, des valeurs d'entraide. Au cour de ce voyage, elle va se lier avec d'autres personnes qui comme elle ne sont pas seulement des voyageurs, mais vivent le voyage.


   "Comme si le voyage créait une sorte de planète où se rencontrer est naturel et simple, où ceux que l'on trouve sur sa route, hormis les affreux, étaient ceux que nous devions croiser pour vivre mieux ou répondre à nos questions."


Nina nous raconte ce voyage qui  n'est pas seulement un voyage d'un point à un autre, ce n'est pas qu'une fuite, c'est un périple dans les souvenirs, un voyage en elle-même.  Un roman où les paysages, les rencontres et la musique ont chacun leurs rôles. La musique est un personnage à part entière du roman, ce sont les chansons, les morceaux que Nina écoute qui la soutiennent dans les épreuves qu'elle traverse, qui lui donnent l'énergie de continuer. Un rôle si prépondérant qu'on trouve la playlist du voyage de Nina à la fin du roman.  Un roman qui nous présente un superbe voyage initiatique. C'est bien d'une quête qu'il s'agit ici, Nina part à la recherche d'elle-même, de la femme qu'elle va devenir, de la femme qui est en elle.


  "Te voilà une enfant du voyage maintenant. Il faut que tu saches que même quand on a des parents, on est toujours l'enfant de son propre voyage."  






 

 

dimanche 13 juillet 2014

C'est quoi ce roman?





C'est quoi ce roman? de Corinne Devillaire aux éditions Thierry Marchaisse




     Une petite famille de retour de vacances chez les grand-parents maternels décide de faire, sur l'insistance de la mère, Katrin, une halte chez la mère de Frédéric. Malou, la grand-mère paternelle vit avec Robert un chirurgien esthétique de renom et ne s'est jamais beaucoup occupé de son fils, le laissant en permanence en pension dès qu'elle en a eu l'occasion. Les rapports entre la mère et son fils ont jusque là été inexistants, les enfants ne connaissent pas leur grand-mère et Katrin ne l'a rencontrée qu'une fois, lors du mariage de Malou et de son chirurgien. Toute la petite famille accompagnée du chien Robert (lui aussi) s'installe donc chez cette grand-mère inconnue.


     Cette halte va bouleverser la vie de la famille. Toucher chacun de ses membres différemment. D'abord perturbée, Malou profondément attachée à son apparence, luttant pied à pied par tous les moyens pour se préserver du vieillissement physique, va voir ses priorités changer, sa personnalité évoluer au contact de Clarisse sa petite-fille et surtout de Pierre son petit-fils par lequel elle va être subjuguée.

   "Moi qui redoute tant le dicton qui prétend que l'âge donne à chacun le visage qu'il mérite, j'ai tout de suite compris que Robert  pouvait retarder l'instant fatidique de me voir sous mes traits véritables. Derrière le masque de ma peau retendue, j'ai vécu plusieurs années dedans l'illusion de l'oubli. Robert est en train de faire la douloureuse expérience qu'on ne récolte qu'ingratitude des personnes qu'on aide à se dérober. Sans s'en douter il a mis ses compétences au service du mensonge sur lequel j'ai bâti ma vie."


  Dans ce roman choral l'auteur nous présente le point de vue de chacun des personnages concernés tissant une toile narrative diabolique. Très vite on comprend qu'un drame s'est produit mais il n'est révélé qu'à la toute fin du roman,  On le sent venir ce drame par le fait que certains des personnages s'expriment dans leurs journaux intimes ou des mémoires (Malou et Clothilde, la fille aînée de Katrin et Frédéric), d'autres dans des dépositions (Katrin, Clarisse). On assiste aussi à des retours sur le passé expliquant les racines des différends entre Frédéric et Malou. Mais je m'arrête là de peur de trop en révéler.


   Corinne Devillaire signe avec ce premier roman, une passionnante étude de la famille, un roman rendu captivant par sa construction,  par les témoignages de chacun des protagonistes de l'histoire. Les  thèmes du vieillissement, de son acceptation, des relations intergénérationnelles, de l'amour maternel y sont traités avec beaucoup d'intelligence, d'humour et de tendresse. On rentre complètement dans ce roman, dans la peau de ces personnages qui chacun racontent le drame avec un style collant à leur personnalité. Ce premier roman est une réussite, mettez le dans vos bagages pour vos vacances cet été vous ne le regretterez pas.





vendredi 11 juillet 2014

La lune assassinée



La lune assassinée de Damien Murith aux éditions L'Age d'homme



     Au rythme des saisons, nous sommes les témoins de la vie d'un village et surtout d'une famille. Pierre et Césarine sont mari et femme. Ils vivent avec la "Vieille", la mère de Pierre. Rien ne va plus entre les deux époux depuis un drame. Pierre sort après le dîner pour aller retrouver "La Garce". La Vieille reproche à sa bru le fait de n'avoir rien fait pour le retenir et la rend responsable du drame qui a tout changé.


     Ce court roman très noir nous parle de misère, de ces gens de peu qui triment jusqu'à la mort pour pouvoir subsister, qui n'ont que peu de plaisir, si ce n'est un verre au bistrot le soir en rentrant de l'usine ou des champs. Une misère qui s'insinue dans tous les aspects de la vie quelle soit professionnelle ou familiale . Une vie de labeur et de désespoir. Un désespoir si palpable qu'il est un personnage du roman.


   "Avec sa voix de dément, ses muscles de fonte et de feu, avec ses cheminées comme des potences où viennent se pendre des ciels de suie, accrochée à la terre, l'oeil rouge, la gueule fumante, c'est l'usine comme une tombe où l'on s'exerce à l'enfer.

     Les hommes, verseurs de sueur, de larmes, de sang errent comme des fantômes dans des brouillards jaunes, baissant la tête, courbant l'échine, ils toussent, ils crachent, ils étouffent, et pour paye, leur lente agonie."


     Damien Murith nous livre avec La lune assassinée un roman très noir, désespéré, servi par une plume poétique trempée dans le sang de ces malheureux qu'il nous décrit! Une plume qui a la violence du désespoir. Un roman de toute beauté, envoûtant  à lire absolument!!!





  

jeudi 10 juillet 2014

Macao Men




Macao Men de Gabriel Guillet aux éditions Daphnis et Chloé


   Hercule Tambour et Eliot Sherman, deux joueurs professionnels français, débarquent à Macao, paradis du jeu. Ils sont jeunes, doués , ont des revenus confortables. Ils sont plein de certitudes. A Macao ils vont s'en mettre plein les poches. Dans les arrières salles des casinos , véritables usines du jeu , ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, se déroulent des parties de haut vol, des parties où l'on mise gros, très gros. C'est à l'une de ses parties que les deux jeunes français rêvent de participer.


   Très vite après leur arrivée ils reçoivent une initiation à l'une de ces parties : La partie qu'il ne faut pas manquer à Macao, celui qui gagne deviendra très riche, les autres seront ruinés. Mais seulement l'un des deux français pourra participer à cette partie ultime.


   Avec Macao Men, Gabriel Guillet nous fait entrer dans l'enfer du jeu qu'est Macao, un endroit où tout est étudié pour ne plus lâcher le joueur, une fois qu'il y est entré.

   "Le concept entier de Macao repose sur cette aptitude à ne jamais s'arrêter et proposer inlassablement un pari à celui qui veut défier la chance. Sans horloge et sans fenêtre, des millions de badauds viennent se séquestrer. C'est un vol par consentement. Un gigantesque braquage organisé aux yeux de tous par une mafia d'hôtels luxueux ou miteux. Mais à la différence d'un cambrioleur qui s'introduit, une fois et par surprise, pour vous dépouiller de quelques bijoux, le casino pompe sans répit et de manière ouverte toutes vos ressources."


  Dans ce vase clos, l'auteur nous décrit d'interminables et passionnantes parties de poker. Le poker y est vu comme une métaphore de la vie. Gabriel Guillet analyse en profondeur la psychologie du joueur, grand malade qui cherche par tous les moyens quand il joue ou qu'il fait la fête à se procurer son shoot d'adrénaline. Gabriel Guillet signe avec Macao Men un passionnant premier roman. Nul besoin d'être un expert du jeu, et du poker en particulier pour bien  entrer dans ce roman, tout y est expliqué sans jamais ennuyer le lecteur. Un roman palpitant, plein de suspense.

jeudi 3 juillet 2014

Belle arrière-grand-mère




Belle arrière-grand-mère de Janine Boissard aux éditions Fayard




    Babou, grand-mère à plein temps, commence à respirer, ces petits enfants ont tous grandi et ont moins besoin d'elle. Elle va pouvoir se consacrer un peu sa passion : la peinture. Elle s'est fixée comme objectif de peindre l'âme. Rien que ça!!! Elle est en plein travail de préparation quand retentit la sonnette. Elle va ouvrir et découvre sur le pas de sa porte un couffin. Il s'agit d'Adella, la fille que Justino a eu dans le secret avec Haydée, 17 ans, jeune nigériane. Le père de la jeune fille, fervent catholique, retient sa fille cloîtrée dans sa chambre et part à la poursuite du jeune amant et de l'enfant! Babou et son mari, le Pacha, ancien commandant de marine vont devoir reprendre du service pour prêter main forte à leur progéniture.


    Babou, et le Pacha tout au long de ce roman attachant vont non seulement aider leur famille à résoudre les problèmes du quotidien, faire face au deuil, mais ils vont surtout continuer à se découvrir  eux qui sont ensemble depuis si longtemps, ils vont faire des découvertes sur leur conjoint, sur eux-mêmes. En aidant les membres de leur famille, en vivant avec eux ils vont se révéler à eux-mêmes.


    Dans ce très beau roman plein de poésie et d'émotion Janine Boissard adresse une déclaration d'amour à la famille. Elle met en avant tout ce que peut apporter la famille par l'entraide transgénérationnelle. Une  entraide qui ne va pas seulement du plus âgé au plus jeune, un échange qui apporte aussi aux plus anciens, qui leur fait découvrir des choses sur eux mêmes et sur leur famille dont ils ne soupçonnaient pas l'existence. Quelle que soit la génération, ces relations familiales font grandir, même à un âge avancé. On apprend tous les jours et ce jusqu'à sa mort.