mercredi 16 septembre 2015

Face au mur




Face au mur de Fabienne Rivayran chez Ska éditeur (édition numérique)



   Maria est excédée. Anna est passée la prendre en lui disant qu'elle avait besoin d'elle, mais depuis qu'elles sont en route, Anna reste murée dans son silence. Maria veut savoir où elles vont, le comportement de son amie l'inquiète.  Anna ne peut pas parler.

   "Je sais que mon silence la fait souffrir mais je ne parviens pas à lui parler. Comment lui dire maintenant les mots qui s'entassent au fond de ma gorge depuis si longtemps."

   Les deux femmes sont dans la voiture à l'arrêt, silencieuses. L'attente s'achève lorsqu'Anna entend le bruit d'une voiture dans le virage. Il arrive. Elles le laissent sortir de sa voiture sous la pluie et entrer chez lui. Elles frappent et Anna prétexte une panne, demande à utiliser le téléphone, pour pouvoir s'introduire chez lui.

Anna a peur mais c'est décidé, c'est aujourd'hui que son calvaire s'achève, c'est aujourd'hui qu'elle va mettre son violeur face à son crime.

    Cette longue nouvelle de Fabienne Rivayran nous met au pied du mur avec Anna et Maria. Au pied de ce mur de silence qu'elle va abattre. Elle ne peut plus se taire. Quoi qu'il en coûte tout se termine ce soir.

     Depuis deux ans Anna se tait. Elle s'est réfugié derrière ce mur de silence, un mur qui l'a isolée, un mur de protection devenu prison. Elle a bien essayé d'oublier, de gommer cette période de sa vie mais rien n'y a fait. 

    " J'ai découpé au cutter cette portion de ma vie. Découpée proprement pour ne pas abîmer le reste. Juste ça. Un trou de quelques centimètres. Il y avait avant, il y avait après. Pendant n'existait plus. J'ai cru que je pourrais tenir debout à nouveau. Un tout petit trou de rien du tout, quelques minutes, même pas une heure. Une heure dans une vie, c'est quoi ? C'est rien. Une heure sur vingt, trente, quarante ans. C'est rien une heure. C'est un trou minuscule. Je peux bien vivre avec un tout petit trou. C'est ce que je me suis dit chaque matin."

    Alors que la pluie redouble dehors, que la télévision annonce des inondations dans le secteur, ce sont les digues qui retenaient les mots en Anna qui se brisent. Anna raconte. Anna veut que son agresseur admette son crime. 

     Face au mur nous montre la tempête dans le crâne, dans tout le corps d'Anna au moment de briser le silence. Elle a peur mais n'en peut plus de se taire. Elle a besoin de confondre son violeur pour pouvoir espérer passer à autre chose, pour pouvoir se reconstruire, pour pouvoir vivre à nouveau. Tout cela est merveilleusement rendu par la plume de Fabienne Rivayran, par ses phrases courtes, rythmées. Un texte prenant, étouffant, une réussite.

    Vous voulez lire la nouvelle : c'est ici

    La plume de Fabienne Rivayran m'avait déjà séduit lors de la lecture de la nouvelle Météo marine.

1 commentaire:

  1. et bien, encore un auteur et un texte qui va nous toucher au fond des tripes, merci Denis le Hibou pour cette critique sensible.
    la prochaine fois parle nous d'un livre que tu n'as pas aimé, ma PAL vassille

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