mercredi 3 février 2016

En attendant Bojangles



En attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut aux éditions Finitude


Tout commence par une danse. Une danse qui va sceller l’union entre les parents du narrateur. Une danse de conte de fées en quelque sorte, mais ce n’est pas une valse, c’est sur une chanson à la fois tendre et mélancolique que les deux amoureux vont ouvrir leur histoire : Mr Bojangles de Nina Simone. C’est sur cette chanson que tous les soirs ils vont danser, se remémorer leurs premiers pas.

Une histoire d’amour banale me direz-vous. C’est sans compter  la personnalité de la femme. Elle reste anonyme tout au long du roman, c’est son choix. Dès leur rencontre elle demande à l ‘homme qui deviendra très vite son mari de lui donner chaque jour un nouveau nom. Elle endosse alors un caractère différent pour vaincre la monotonie et vivre pleinement son exubérance, sa fantaisie. Cette femme est délirante, atteinte d’une folie qui bouscule tout sur son passage. Comment vivre avec une femme dont on est éperdument amoureux mais qui vit dans son monde ? Un monde fait de fêtes et de danses, de cocktails, d'insouciance et de jeux. L’équation se complique quand un enfant arrive dans leur vie. C’est ce fils qui nous raconte la folle histoire d’amour de ses parents.

Quand le narrateur vient au monde, rien ne change. Il est intégré à la vie débridée de ses parents, il en devient un acteur à part entière. Il vit avec ses parents une vie complètement décalée si bien que ses parents le retirent de l’école pour se charger de son éducation. Le jeune garçon nous raconte son enfance milieu de ses parents avec comme compagnon de jeux Mademoiselle Superfétatoire, une sorte d’autruche apprivoisée.

En attendant Bojangles est l’histoire d’un amour fou. Jusqu’où peut on aller par amour quand on vit avec une femme folle ? Le père du narrateur pour vivre pleinement son amour va plonger dans la folie de son épouse, la vivre avec elle. C’est un roman plein d’humour, de drôlerie, de fantaisie mais où le désespoir n’est jamais loin. Il est très vite présent en filigrane , notamment par les prises de paroles du père qui ponctuent le livre et qui contrastent avec le récit plein de naïveté (au début) de l’enfant. Le style de l’auteur est à l’image de l’histoire, plein de verve et de fantaisie mais aussi de tendresse et d’émotion. Un livre drôle, léger mais aussi profond. Vous l’aurez compris, ce petit bijou à la fois drôle, fantasque et émouvant est un coup de cœur pour moi et je vous le recommande vivement.

« - Je vous vois venir avec vos sordides idées, vous voulez que je me mette à travailler. Je vous ai déjà dit qu’une fois j’ai essayé. Je m’en souviens parfaitement bien, c’était un jeudi matin.
- Oui, je sais, moi aussi je m’en souviens parfaitement. Vous avez travaillé chez un fleuriste, et vous avez été renvoyée car vous refusiez de faire payer les bouquets.
- Mais enfin, dans quel monde vivons-nous ? On ne vend pas les fleurs, les fleurs c’est joli et c’est gratuit. Il suffit de se pencher pour les ramasser. Les fleurs c’est la vie ! Et puis je n’ai pas été renvoyée, je suis partie toute seule, de mon propre chef, j’ai refusé de participer à cette escroquerie généralisée. J’ai profité de la pause déjeuner et je suis partie avec le plus gros et plus beau bouquet jamais confectionné dans le monde entier. »


« Les médecins nous avaient expliqué qu’il fallait la protéger d’elle-même pour protéger les autres. Papa m’avait dit qu’il n’y avait que des médecins de la tête pour sortir des phrases pareilles. Maman était installée au deuxième étage, celui des déménagés du ciboulot. Pour la plupart, le déménagement était en cours, leur esprit partait petit à petit, alors ils attendaient calmement la fin du nettoyage, en mangeant des médicaments. »

2 commentaires:

  1. délicieux ! ça me plait beaucoup, merci le hibou

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  2. Il me fait de l’œil, celui-ci : le côté décalé de sa couverture et de son titre, l'extrait dans "Lire". Je vais finir par craquer :)

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