lundi 1 février 2016

L'amant de Prague



L’amant de Prague de Monique Ayoun aux éditions La Grande Ourse


Carla et Peter se sont rencontrés à Paris. Elle, prof d’anglais, vive exubérante, lui tchèque exilé à Paris pour fuir le communisme. Leur rencontre c’est le choc des cultures. Elle est d’origine italienne et en montre toutes les caractéristiques. Peter lui est slave, taiseux, renfermé, mystérieux. Leur histoire est pleine de heurts, de ruptures mais elle continue vaille que vaille.

L’effondrement du bloc soviétique pousse Peter à rejoindre sa bonne ville de Prague, celle qu’il n’a jamais oubliée. Il y retourne pour voir l’évolution des choses mais s’y installe bien décidé à participer à cette effervescence, à s’engager en politique pour défendre les idées nouvelles.  Carla hésite à le rejoindre. Peter n’est pas sûr de vouloir l’accueillir mais lui donne toutes les indications pour venir.

  C’est à Prague, dans cette belle ville aussi mystérieuse qu’attirante, aussi effrayante qu’apaisante, aussi bouillonnante qu’immuable,  que leur histoire va évoluer. Une histoire marquée par l’incommunicabilité entre les deux amants. Carla est obsédée par Peter, elle est tourmentée à la fois par le désir et la peur, lui la repousse puis la reprend puis la rejette à nouveau . Carla va devoir s’oublier, devenir violente dans ses effusions, dans ses mots pour pouvoir percer la carapace de Peter. Cette carapace représentée par son dos, à la fois solide et pleine de failles, de cicatrices à l’image de cette Prague qu’il aime tant. Il n’y que lors de leurs effusions sexuelles, lorsqu’elle a réussi à pénétrer ce dos, que Carla semble comprendre Peter.

 Leur relation continue de séparations en retrouvailles. Lorsqu’elle est seule, Carla parcourt les rues de Prague, personnage à part entière du roman, pour comprendre l’âme de Peter. Elle s’y promène le journal de Kafka à la main. Le célèbre écrivain a tant de points communs avec Peter dans son rapport à sa ville et aux femmes que celui-ci semble en être la réincarnation.

« En se retournant vers la Vieille Ville, Carla eut un choc visuel : un bouquet de bâtiments baroques, gothiques et rococo se mêlaient, se chevauchaient en un chaos vertigineux, comme dans un tableau cubiste. Elle s’empara de son appareil photo pour fixer cette image, mais au moment où elle appuya sur le déclic une drôle d’intuition l’assaillit : la ville était double. Il y avait la Prague visible et la Prague cachée. Dans le viseur de l’appareil, les hautes silhouettes noires des nombreuses statues qui ornaient chaque église se détachaient nettement, presque en rang d’oignons, semblables à une armée de sentinelles ou de fantômes. Oui, toute une population souterraine semblait hanter la ville, un peu comme si chaque habitant avait sa réplique invisible qui l’espionnait… »


L’amant de Prague nous montre la relation amoureuse dans ce qu’elle a de violent, de névrotique, de pervers. L’obsession qui unit deux êtres que tout sépare mais qui se retrouvent dans une certaine violence, dans cette lutte qui les rapproche un temps pour les éloigner l’un  de l’autre un peu plus à chaque fois.  Cette relation est superbement rendue par la plume de Monique Ayoun, une plume à a la fois tendre et violente, un peu en demie teinte jusqu’à la moitié du roman mais qui trouve tout son souffle dans la seconde, suivant en cela l’évolution des relations entre les deux amants  à mesure que leurs rapports deviennent de plus en  plus violents.  Un roman passionnant qui se lit d’une traite. Une très belle découverte.


« Lorsque Carla, dès le lendemain, découvrit sur le visage de Peter les premiers signes annonciateurs de la crise, elle se retint de hurler, se calma aussitôt et très vite adopta une ligne de conduite qu’elle voulut immuable : ne pas s’enfuir comme elle avait coutume de le faire, mais ne pas discuter non plus, surtout ne pas répondre à son hostilité, ne pas s’énerver sinon c’est lui qui quittera l’appartement. Un seul mot d’ordre : ignorer, se taire, se dérober s’il le faut. Ne pas frotter l’allumette contre la pierre, le jeu repose sur cette seule règle. Rester aussi immuable qu’une montagne quelles que soient les agressions. »

 Vous trouverez ce qu'en a pensé Cathy Galliègue ici : https://latoileciree.wordpress.com/2016/02/01/lamant-de-prague-la-verite-toute-nue/

        Vous trouverez ci l'avis de Céline du blog Arhémiss : http://www.arthemiss.com/lamant-de-prague-de-monique-ayoun/

1 commentaire:

  1. bravo pour cette découverte très étonnante et originale, ça sent le talent, merci

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