mardi 7 juin 2016

Le festin du lézard



Le festin du lézard de Florence Herrlemann aux éditions Antigone 14


Isabelle, jeune femme de 25 ans vit avec sa famille dans une maison cossue. Son  père est souvent absent pour affaires. Son frère a quitté le  foyer familial, il est séminariste. Isabelle est  donc souvent seule avec sa mère.


A l’ouverture du roman, la jeune femme est appelée par sa mère. Le docteur Marceline est venu lui rendre visite. La mère en a fait un  prétendant qu’Isabelle refuse. Il la dégoute. Isabelle va se rebeller. Elle va affronter sa peur. La peur de cette mère autoritaire, énorme qui a tout d'une ogresse.

Tout au long du roman, Isabelle se confie à son ami  Léo. Un ami qui ne répond jamais, qui ne parle pas mais l’accompagne en permanence. On découvre la vie de le jeune femme. Une vie de recluse. Elle n’a pas le droit de sortir hors du parc et n’a accès qu’à quelques pièces de la maison. Isabelle est terrorisée par sa mère mais elle  veut fuir, elle  veut rompre ses chaînes en finir avec cet isolement quel qu’en soit le  prix. C’est une véritable guerre entre les deux femmes. Le père et le frère d’Isabelle, eux, ont déjà rendu les armes.

« Je la hais de m'avoir mise au monde et de m'en faire le reproche. Encore et encore. Je la révulse parce que j'existe. Elle ne supporte pas ma présence, elle l'endure. Elle nous fait, cette haine, des jours visqueux, poisseux, gluants. Le poison coule dans nos veines, nous sommes immunisées. Nous n'avons plus aucune limite, nous excellons en la matière, nous en avons oublié nos coeurs et nos âmes. C'est la guerre, Léo. À chaque guerre son vainqueur ? Laquelle de nous deux sera la vaincue ? Je suis la seule qui tienne encore le coup, père et Avril ont courbé l'échine. Simone Lintruse ne va pas tarder à les suivre. Moi je résiste. »

La maison est elle aussi un personnage de l’histoire. Un personnage inquiétant. Avec ses pièces interdites, verrouillées), elle est pour la jeune femme, pleine d’interrogations.  Des questions nous nous en posons aussi  sur la vie d’Isabelle. Que se passe-t-il dans cette famille ? Qui est Léo , cet ami toujours présent mais muet ? Pourquoi la chambre d’Isabelle a-t-elle des barreaux aux fenêtres ? Isabelle sera-t-elle au menu du festin de l'ogre lézard qu'est sa mère ?


Le festin du lézard est un roman ou le lecteur, comme l’héroïne est constamment en équilibre, sur la corde raire, entre abattement et espoir, entre rêve et réalité. L’écriture de Florence Herrllemann, ce monologue d’Isabelle adressé à Léo, est faite de phrases courtes, haletantes, presque scandées qui rendent l’enfermement et l’étouffement d’Isabelle palpables. On les ressent physiquement. Ces mots qu’elle adresse à son ami sont des cris de désespoir, des appels à l’aide.

Ce roman est de ces livres dont on ne sort pas indemne. Un livre qui bouscule,  qui met mal à l’aise, qui vous hante tout au long de sa lecture et qui continuera de le faire longtemps après. Un livre qui ne peut pas se lire d’une traitre tant par moments cette impression d’étouffement est forte. Quelle belle découverte que celle de ce roman et de la plume de son auteur. Une plume très onirique, hypnotique. C’est un énorme coup de cœur. J’attends le prochain avec impatience.

« Je hais le rêve, il n'est que mensonge et imposture. C'est un simulateur, un traître, un lâche, courant comme un toutou derrière la Réalité, sa vieille copine, toujours prêt à lui lécher les pieds. Celle-là, je la hais avec son air arrogant, cette façon brutale qu'elle a de nous ouvrir les yeux avec tant de hargne, en nous regardant de haut. Odieuse et misérable Réalité ! Tu reviens toujours, inexorablement, comme une vague qui avale tout sur son passage. Je te hais parce que tu me prives, me voles, me dépouilles de tout ce que j'ai de plus précieux. Le Rêve est ton hameçon, et tu nous tiens au bout de ta ligne, la gueule ensanglantée. Je te méprise de toutes mes forces, parce que tu m'ôtes tout espoir. Parce que je n'ai pas le pouvoir de chasser la pluie, parce que je n'ai pas le pouvoir  de changer un lundi d'automne en un dimanche de printemps, parce que ma balancelle pourrit quelque part dans la vieille grange, parce que Mère n'a jamais aimé les balancelles, parce que Mère a brûlé les nappes et les serviettes assorties qu'avait brodées tante Émilie, parce que Mère n'est pas de celles qui se réjouissent des préparatifs d'un repas de famille. Parce que quand Mère ouvre les bras, ce n'est pas pour les resserrer autour de moi. »

2 commentaires:

  1. heureusement que ce sujet insupportable est porté par une écriture de cette qualité, merci au Hibou pour cette chronique venue du coeur et des tripes

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  2. si je le gagne pas au concours, je l'achète! mais je tente ma chance avant LoL

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